Les méfaits de l’hyperconnectivité
« La majorité des cadres de la génération X – ceux nés entre 1960-65 et 1979 – appartiennent à la catégorie des hyperconnectés ». Désormais un mal ronge l’équilibre psychologique des individus et l’efficacité des entreprises.
« Cette génération ne comprend presque aucun profil de connecté raisonné » : un enseignement, lourd de sens, issue d’une étude conjointement diligentée par l’agence de conseil et formation en sciences cognitives CogX et le spécialiste de la data Lecko.
Les données recueillies par Arnaud Rayrole, maître-d’oeuvre de Lecko et de ses équipes (qui distillent des conseils, en matière de transformation des organisations, à l’Oréal, Orange ou encore Accor), sont sans équivoque : la majorité des cadres de la génération X – ceux nés entre 1960-65 et 1979 – appartiennent à la catégorie des hyperconnectés.
Ce qui signifie, plus prosaïquement, que les membres de cette « catégorie » envoient au moins un mail en dehors des plages horaires comprises entre 8h et 20h durant 9 jours chaque mois d’une part, et participent à 15 réunions dans le trimestre en dehors des plages 8h-12h et 14h-18h, d’autre part.
A l’inverse, le « connecté raisonné » interagit uniquement au sein des plages horaires consacrées à son travail. Quant à l’hyperconnecté occasionnel, comme son intitulé le stipule, il sort du sacro-saint cadre des horaires qu’avec parcimonie.
« On se ment à soi-même »
« Cette enquête a davantage conforté et objectivé un ressenti palpable chez nos clients », abonde Arnaud Rayrole. Une situation qui – en plus d’être nocive sur le plan cognitif pour les principaux concernés – peut également conduire à des frictions intergénérationnelles ; les représentants de la génération Y ou celle des Z , amenés à interagir avec leurs aînés, ne partageant pas cette vision.
Doux euphémisme. « La plage d’interaction des trentenaires est plus courte que celle de la génération X. A fortiori quand les premiers cités ont une capacité de déconnexion parfois très tranchée », complète le dirigeant de Lecko.
Or l’hyperconnexion n’est pas sans risques à long terme. Ainsi, comme mentionné au sein de cette étude, notre cerveau est confronté à ses limites physiologiques. Vouloir accomplir plusieurs tâches simultanément ou devoir faire face à des interruptions régulières, sursollicite celui-ci. Conséquence : notre efficacité au travail s’en trouve altérée et engendre de la fatigue cognitive .
« On ne se rend pas compte de la fatigue engendrée par ce type de comportements. Nous sommes davantage conscients d’une fatigue musculaire ou physique plutôt que d’une fatigue cognitive. Résultat, on se ment à soi-même », déplore Arnaud Rayrole.
Le fléau de la réunionite aigüe
Néanmoins des solutions existent pour tenter d’enrayer cette dynamique néfaste. La première d’entre elle : réduire, séance tenante, le temps passé – ou perdu, c’est selon – en réunion .
« Plus les cadres passent du temps en réunion, plus ils compriment, de facto, le temps restant pour réaliser leurs autres activités. Ils sont multitâches et traitent d’autres thématiques durant les réunions ce qui les fait baisser en productivité et réduit leur niveau d’attention », décrypte Arnaud Rayrole qui préconise une réduction de l’ordre de 20% du temps de ces conciliabules. « Même si, pour réduire le temps passé en réunion, il faut parfois revoir en profondeur la manière de collaborer au sein d’une organisation », ajoute le spécialiste.
Autre levier à actionner afin de réduire drastiquement cette sensation de sursollicitation : endiguer ce sentiment d’urgence perpétuelle inhérente à pléthore de salariés et cadres. Un concept incarné, avec une certaine maestria, par les outils conversationnels ; intrusifs au possible, au premier rang desquels le « chat » et autres messageries.
« Lorsque vous avez une bulle qui vient ‘popper’ sur votre écran ou sur votre téléphone, et peu importe son degré d’urgence, cela engendre des interruptions incessantes qui, de fait, réduisent votre capacité de concentration », souligne Arnaud Rayrole.
Et d’ajouter. « A chaque fois que l’on ‘saute’ d’un sujet à un autre, on sature le filtre de l’attention ». Un filtre que les états-majors des organisations doivent se donner les moyens de dépoussiérer car il en va du bien-être et de la qualité de vie au travail de leurs forces vives. »
Source : Hamladji, S. (2024, 1 février). Hyperconnexion : les cadres de la génération X au bord du gouffre. Les Echos.