Attention à « l’écart emphatique »
L’empathie se caractérise par la capacité à comprendre ce que ressent l’autre dans une situation donnée. C’est savoir “se mettre à sa place”.
L’empathie se distingue cependant de la sympathie ou de la compassion, par le fait qu’il n’ y a ni contagion émotionnelle, ni adhésion totale à l’opinion d’autrui, seulement une juste perception des raisons de l’autre.
Il y a écart empathique lorsqu’on produit l’effet inverse de celui attendu ou espéré. Persuadé qu’un interlocuteur ou un auditoire partage toutes nos conceptions, nous croyons le séduire par nos propos ou nos écrits. Mais, au delà des apparences, ça n’a pas marché du tout. On en a trop fait et notre cote a plongé. Souvent à notre insu.
Ainsi, exposant nos réussites, avec autosatisfaction ou vantardise devant un public bien disposé à l’origine, nous pouvons inconsciemment provoquer un sentiment d’exaspération voire de rejet.
Tel est l’enseignement retiré de travaux de trois chercheurs en sciences humaines, repris dans un article d’Annie Kahn (Le Monde du 23/04, p.7).
Dans une série d’expérimentations sur divers publics, ils ont établi que :
- ceux qui se vantent surestiment nettement le plaisir éprouvé par ceux à qui ils s’adressent, même amis
- Dans 60% des cas le ressenti de l’auditoire est négatif : contrariété, sentiment d’infériorité, jalousie, énervement, colère…
- Dans la plupart des cas, les efforts faits pour se montrer sous un jour un peu trop favorable (en entretien ou sur un curriculum vitae) risquent d’accentuer le rejet du postulant.
Finalement, mieux vaudrait rester modeste, voire faussement modeste, que de forcer le trait en racontant ses multiples faits d’arme par le menu.
C’est encore plus vrai à l’ère des réseaux sociaux qui disséminent tout n’importe où. Notamment les étalages complaisants de réussites, réelles ou enjolivées, d’exploits en tous genres. En vertu du constat fait par nos chercheurs, on obtient l’effet inverse de celui recherché : une augmentation de l’écart empathique, c.a.d une exaspération ou une jalousie. Avec, pour facteur aggravant, le fait que la communication par internet entre personnes distantes ne fait qu’accentuer le décalage des perceptions.
C’est donc bien à tort qu’une croyance perdure dans la vie professionnelle ou personnelle : tout avancement ne peut naître que d’une habileté à se mettre en avant vis à vis des collègues ou sur Facebook. Le problème est de même nature lorsque face à un client ou un recruteur, on s’affiche exagérément comme un “Winner”, un “battant” sans complexe, au palmarès fourni.
En réalité, et contrairement à ce qui est proclamé depuis des lustres, la discrétion, sans excès, est un excellent faire valoir. Elle ne peut que créer un a priori positif.
La sagesse populaire ne dit-elle pas d’ailleurs : “Grands diseux, petits faiseux”.