Vivre sa passion et vivre de sa passion
ThéâtreHebertot, jeudi soir 21 heures, Michel Bouquet, 90 ans, entre en scène dans une pièce de Ronald Harwood « A tort et à raison ». Le silence se fait épais, dense, le temps se suspend et l’artiste nous fascine encore une fois. Il vit sa passion, oui l’âge est là mais la mémoire, la fougue, le talent, sont intacts. Sans doute, ressent-il, parfois de la fatigue, puisqu’il joue tous les soirs et deux fois le weekend. Mais sa passion pour le théâtre est plus forte que le reste.
Se découvrir une passion (ou en entretenir une depuis longtemps), voilà l’un des ressorts psychologiques les plus puissants pour donner un sens et une intensité à sa vie. C’est s’élever au-dessus du quotidien, sortir du troupeau, trouver un chemin authentiquement personnel, être un acteur de son existence.
Bien entendu, « chaque être étant différent, chaque passion parle donc un langage différent », comme disait Boileau. Mais vivre sa passion, voire vivre de sa passion comme Michel Bouquet et d’autres grands artistes, est rarement chose aisée.
Nos sociétés du confort et du conformisme ont promptement éteint nombre de nos velléités de changement personnel et ramené vers le courant dominant toute tentation de faire autre chose.
En fait, le risque majeur, pour chacun de nous, c’est de différer trop longtemps un passage à l’acte : celui d’exploiter vraiment une envie profonde, de saisir une opportunité pour aller au bout de son idée, de sa passion.
Le prix à payer peut être parfois assez lourd. Autodiscipline, ténacité, travail incessant, épisodes difficiles … tous, artisans ou artistes, créateurs d’entreprise ou chercheurs, musiciens ou soignants… vous le confirmeront.
Mais en échange, tous évoqueront une fierté de n’avoir pas sacrifié leur passion à des parcours de vie bien plus faciles. Ensuite ils parleront de la joie réelle qui nait de l’exercice régulier d’une passion. Et enfin ils expliqueront combien ce sentiment de plénitude, dépasse, à leurs yeux, tous les autres critères ordinaires du succès social.
Ne confondons pas les passionnés avec les « workaholics », ces bourreaux de travail, purs robots de n’importe quelle organisation de production. Ceux-là courent trop souvent vers le « bucher des vanités » et les hochets de la réussite sociale. Ils finiront souvent en burn-out, épuisés par une carrière vide de sens. Ou, en arrivant à la retraite, ils connaitront un épisode dépressif brutal, en constatant rétrospectivement l’inanité de leur existence, cachée jusqu’alors par une montagne de travail. Sentiment de vacuité aggravé par une frénésie de voyages sans profondeur ou d’enfermement dans des ghettos pour seniors.
Entre parenthèse, le thème de la pièce « A tort et à travers » est passionnant : culture et dictature. Il vient étrangement résonner a ce moment particulier de notre histoire. Quelle est la place de l’artiste quand survient la barbarie ?
Une citation extraite de la pièce « la musique a un pouvoir mystique, elle a le pouvoir de nourrir les besoins spirituels des gens etc..…. »
Merci à Monsieur Michel Bouquet et Monsieur Ronald Harwood .